Jérôme, infirmier libéral,
joue en équipe avec son patient.
Mardi 2, 16h20, Provence-Alpes-Côte d'Azur
Comme chaque jour, Jérôme arrive chez son patient, un homme obèse et diabétique de 60/70 ans qui souffre d’ulcères de jambe veineux récalcitrants depuis près de 15 ans…
Découvrez comment Jérôme est parvenu à gérer cette situation : son interview ainsi ses précieux conseils pour cicatriser les plaies de son patient.
L'INTERVIEW DE... Jérôme
le 2 mai 2023
Aujourd’hui, nous avons le plaisir d’interviewer Jérôme, infirmier libéral depuis 30 ans et formateur dans le domaine des plaies.
Bonjour Jérôme. Aujourd’hui, vous souhaitiez nous partager un de vos cas cliniques, pouvez-vous nous en dire un peu plus sur votre patient : son âge, les caractéristiques de sa plaie ?
Bonjour.
Aujourd’hui, je souhaitais vous parler d’un patient âgé de 60/70 ans, obèse et diabétique (sous traitements oraux et anti-vitamine K) qui n’est pas vraiment compliant. C’est un patient que nous suivons pour des ulcères de jambe veineux bilatéraux malléolaires depuis environ 4 ans et qui souffrait déjà d’ulcères depuis une dizaine d’années au moment de notre prise en charge.
Ses plaies évoluent par phase en fonction de ses activités, des prises en charge et des saisons. Généralement, à l’arrivée de l’été, le patient présente des œdèmes et les plaies se ré-ouvrent souvent… Alors on a tout de même des périodes de fermeture des plaies qui perdurent plusieurs semaines, mais les plaies ont tendance à se rouvrir. D’autant plus que l’hygiène générale n’est pas forcément au rendez-vous. C’est un patient qui, malgré les sollicitations, a des difficultés à nettoyer ses jambes et l’organisation de la salle de bain n’est pas optimale pour la morphologie du patient.
Quel protocole de soins a été mis en place ?
On a donc commencé à prendre ce patient en charge il y a 4 ans. Aucune compression n’avait été mise en place car le patient n’en voulait pas et les pansements utilisés à ce moment-là n’étaient pas forcément adaptés : la plaie était très exsudative, pas suffisamment détergée et pas comprimée. Petit à petit et avec douceur, nous avons commencé à introduire la compression pour optimiser la prise en charge et surtout apporter une réponse adaptée à l’étiologie de ces plaies.
Le patient a finalement accepté une compression avec des chaussettes de classe 2, donc vraiment le minimum requis. Quand j’ai souhaité introduire une compression plus adaptée, avec des bandes multicouches ou des bandes à allongement court, le patient a refusé du fait de mauvaises expériences antérieures. Nous sommes donc restés sur une compression avec des chaussettes de classe 2, c’est mieux que rien même si ce n’est pas optimal évidemment.
En plus des chaussettes de compression, on réalise des soins quotidiens avec une détersion mécanique des plaies, des pansements hydrocellulaires non-adhésifs pour aider à déterger, associés à un pansement absorbant.
Et comment le patient vit cette situation ? Cela impacte-t-il sa qualité de vie ?
Ce patient vit avec des plaies depuis une quinzaine d’années. Aujourd’hui, il est à la retraite donc la problématique du travail n’en est plus une et il n’est pas très actif. Ses préoccupations principales vont être sa nutrition et ses activités en extérieur avec ses amis. Et forcément quand il participe à ces activités, il reste debout une grande partie de la journée, sans forcément porter ses chaussettes de compression ou en ne les portant pas correctement, donc la qualité de la compression n’est pas toujours au rendez-vous.
Du coup, même si on est actuellement dans une phase de cicatrisation, qu’on arrive à bout de certaines plaies, on sait que le patient va recommencer à présenter des œdèmes, que les plaies vont probablement se ré-ouvrir et couler davantage. Actuellement, il reste quelques résidus de fibrine sur une des plaies, qu’on arrive à enlever mécaniquement, à la curette ou à la compresse lors du changement de pansement. L’autre ulcère est globalement bourgeonnant avec quelques parties fibrineuses.
Vous suivez ce patient donc depuis 4 ans, depuis combien de temps avez-vous constaté une amélioration notable ?
Je dirais que cela fait 2 ans qu’on a une belle amélioration des plaies. On a démarré avec un pansement hydro détersif, puis on est passé sur des pansements hydrocellulaires non-adhésifs. À partir de là, les plaies ont vraiment évolué en termes de détersion et de qualité du bourgeonnement.
Quel est l’impact de cette amélioration sur le patient ?
Déjà, il a beaucoup moins mal. Au début de la prise en charge, les plaies étaient douloureuses et très exsudative avec parfois des phases d’infection également. C’est pourquoi, 2 à 3 fois par an, on fait des antibiothérapies, ce qui permet aussi d’avoir une amélioration temporaire des plaies. Mais c’est vraiment au niveau de la douleur qu’il a pu retrouver une meilleure qualité de vie.
Pourquoi avez-vous choisi de nous raconter ce cas plutôt qu’un autre ?
C’est un patient sur lequel on a un recul important étant donné qu’on le suit depuis plusieurs années, et sur qui on a vu l’effet des pansements. Sur les photos, on voit vraiment l’évolution de la cicatrisation entre le début et la situation actuelle, même si le protocole de soins pourrait encore être optimisé si le patient collaborait davantage. Il sait que la balle est dans son camp, notamment en ce qui concerne l’hygiène et l’acceptation d’une meilleure compression : cela permettrait d’espacer les changements de pansements tous les 2 à 3 jours, mais il n’est pas d’accord. Ce sont les choix du patient, qui se contente aussi de la qualité de vie qu’il a maintenant.
Pour finir, auriez-vous des astuces à partager pour une meilleure prise en charge des plaies ?
Ça va varier d’un patient à l’autre, puisqu’ils n’ont pas les mêmes problématiques et le même vécu. Cependant, il faut expliquer ce que l’on fait, pourquoi on le fait et donner les clés aux patients pour comprendre les soins et l’intérêt du protocole. Ils sont tout à fait capables de comprendre.
Également, c’est bien de leur montrer les photos de l’évolution de leur(s) plaie(s) pour qu’ils puissent se rendre compte du chemin parcouru et qu’ils ne lâchent rien.
Enfin, ne pas négliger l’importance du travail de détersion à la curette ou à la compresse, notamment pour la gestion des berges et pour enlever les croûtes. On a aussi parfois des bourgeons friables, un peu atones et rouge foncé, qui ne sont pas forcément sains. Ce travail mécanique peut permettre de relancer la cicatrisation avec la bonne association de pansement.
Merci beaucoup Jérôme pour cet échange !
Les Trucs et Astuces
Les conseils de Jérôme pour une cicatrisation couronnée de succès
TOUT EXPLIQUER AUX PATIENTS
« Tous les patients n’ont pas les mêmes problématiques et les mêmes inquiétudes. Il est important de leur expliquer tout ce que l’on fait, pourquoi et comment on le fait afin qu’ils puissent comprendre l’intérêt du protocole choisi et accepter les soins réalisés. »
METTRE EN AVANT L’ÉVOLUTION DE LA PLAIE AUPRÈS DES PATIENTS
« C’est bien de prendre des photos de la plaie au début de la prise en charge et lors du suivi. Cela permet ensuite de montrer les photos aux patients pour illustrer concrètement l’évolution et se rendre compte du chemin parcouru pour maintenir leur motivation. »
NE PAS NÉGLIGER L’IMPORTANCE DE LA DÉTERSION
« Il ne faut pas négliger l’importance du travail de détersion à la curette ou à la compresse, notamment pour la gestion des berges, pour enlever des croûtes ou des bourgeons friables, atones et rouge foncé qui peuvent ne pas être sains. La détersion peut vraiment permettre de relancer le processus de cicatrisation si elle est associée aux bons pansements. »
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